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Grève générale en Palestine : histoire d’une révolte qui se répète

La grève générale organisée ce mardi par les Palestiniens « du fleuve à la mer » rappelle celle d’avril 1936 et les soulèvements qui eurent lieu sous le mandat britannique, lesquels avaient eux aussi uni une grande partie de la société palestinienne
Des Palestiniens se rassemblent à Abou Ghosh, à l’ouest de Jérusalem, en 1936, dans la Palestine sous mandat britannique, lors d’une grève générale (Bibliothèque du Congrès américain)
Par MEE

Les Palestiniens ont appelé à la grève générale ce mardi à Jérusalem, dans les territoires palestiniens occupés et dans les villes à majorité palestinienne d’Israël pour protester contre les atteintes aux droits de l’homme à travers les territoires palestiniens occupés.

Cette grève, baptisée « Karameh » (« dignité »), a mis à l’arrêt l’ensemble des activités commerciales pour dénoncer l’offensive militaire israélienne sur Gaza – laquelle a tué au moins 213 personnes depuis le 10 mai – et l’expulsion prévue des familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée, une initiative contraire au droit international. Les syndicats étudiants palestiniens se sont joints aux appels à la grève générale et les étudiants se sont engagés à ne pas assister à leurs cours en signe de solidarité.

L’annonce d’une grève d’une telle ampleur rappelle la grève générale de 1936 en Palestine alors sous mandat britannique.

Traduction : « Grève générale dans tous les quartiers de Jérusalem [mardi 18 mai] »

Middle East Eye revient sur ce moment décisif de l’histoire palestinienne qui a précédé la création de l’État d’Israël et la Nakba (« catastrophe » en arabe), laquelle chassera au moins 750 000 Palestiniens de chez eux.

La Palestine sous mandat britannique

En 1936, la Palestine historique était sous mandat colonial britannique depuis près de vingt ans. En vertu de l’accord Sykes-Picot signé en 1916, la France et le Royaume-Uni s’étaient répartis de larges pans de la Grande Syrie et de l’Irak, qui faisaient auparavant partie de l’Empire ottoman.

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Cependant, le mandat sur la Palestine n’était pas la seule entreprise coloniale britannique dans la région. À l’insu des dirigeants arabes de la région – et de la population palestinienne –, le Royaume-Uni avait promis dans la Déclaration Balfour de 1917 qu’il soutiendrait la création d’un « foyer national du peuple juif » dans la Palestine mandataire.

Lorsqu’Adolf Hitler arriva au pouvoir en Allemagne en 1933 et commença à mettre en place ses politiques discriminatoires et violentes contre les juifs, lesquelles allaient culminer plus tard avec l’Holocauste, de nombreux juifs quittèrent l’Europe, et des milliers d’entre eux se rendirent en Palestine.

Entre 1922 et 1940, la population juive plus que quintupla, passant de 83 790 à 467 000 personnes, soit environ un tiers de la population totale de la Palestine à l’époque, laquelle s’élevait à environ 1,5 million de personnes. 

Dans le même temps, les terres possédées par les juifs plus que doublèrent, passant d’un peu plus de 60 000 hectares à environ 155 200 hectares.

L’immigration juive était une source de tension entre les autorités britanniques et les Palestiniens, en particulier à cause du transfert de terres à la communauté juive – qu’il s’agisse de cession unilatérale de la part des Britanniques ou de mise en place de conditions facilitant l’accaparement ou l’achat des terres auprès de propriétaires féodaux non-palestiniens.

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Les autorités britanniques adoptèrent des lois qui permirent la confiscation de terres palestiniennes à des fins militaires – avant de remettre ces terres aux habitants juifs.

L’impact socio-économique des politiques britanniques sur les Palestiniens – dont beaucoup se retrouvèrent chassés de leurs villages par les propriétaires, leur production agricole lourdement taxée, tandis que ceux qui déménagèrent vers les centres urbains se retrouvèrent à vivre dans la pauvreté dans des habitations de fortune – alimenta également la colère des Palestiniens, créant les conditions pour la grève de 1936.

La grève de 1936

Avril 1936 marqua un tournant dans le rejet palestinien du mandat britannique.

Le 19 avril, le nouveau Haut comité arabe à Naplouse appela les Palestiniens à lancer une grève générale, à ne pas payer les impôts et à boycotter les produits juifs, afin de protester contre le colonialisme britannique et l’immigration juive croissante.

Quelques jours avant, un incident lors duquel des Palestiniens tuèrent deux juifs près de Tulkarem entraîna une flambée des confrontations entre juifs et Palestiniens.

Le 25 avril, les commissions nationales locales s’unirent pour former le Haut comité arabe, dirigé par le grand mufti de Jérusalem Amin al-Husseini, qui allait devenir l’organe politique de défense des Palestiniens sous mandat britannique. 

Cour d’une maison familiale palestinienne saccagée par les troupes britanniques, le 8 juin 1936 (AFP)
Cour d’une maison familiale palestinienne saccagée par les troupes britanniques, le 8 juin 1936 (AFP)

Il s’agissait d’un mouvement important dans la mesure où il englobait une grande partie de la société palestinienne de l’époque : ruraux et urbains, hommes et femmes… D’innombrables récits témoignent de son universalité. Des campagnes de solidarité virent également le jour aux quatre coins du Moyen-Orient, dans des villes comme Le Caire, Beyrouth et Damas.

Le fait que la population palestinienne de l’époque était composée principalement d’agriculteurs contribua à prolonger la grève, d’après certains Palestiniens, puisque l’accès à la nourriture et aux produits de première nécessité assurait un certain niveau d’autosuffisance – tandis que les fellahin (paysans) palestiniens devinrent un élément central de la lutte.

La grève fut brutalement réprimée par les forces britanniques. Les autorités britanniques commencèrent à arrêter toute personne soupçonnée d’être responsable du mouvement, tout en procédant à des démolitions punitives d’habitations – une pratique qu’Israël continue de mettre en œuvre contre les Palestiniens aujourd’hui. 

En parallèle, les Britanniques collaboraient avec des milices sionistes telles que la tristement célèbre Haganah et les formaient pour réprimer l’agitation palestinienne.

La grève fut interrompue par le Haut Comité en novembre 1936, alors que les dirigeants de Jordanie, d’Irak et d’Arabie saoudite exhortaient les Palestiniens à croire que le Royaume-Uni exaucerait leurs revendications – des revendications qui, en réalité, ne furent jamais satisfaites.

La grande révolte arabe de 1936-1939

La grève générale, qui dura six mois, amorça ce qui allait devenir la grande révolte arabe de 1936-1939.

Ces trois années furent marquées par la résistance armée la plus soutenue contre le mandat britannique ; celle-ci fut violemment réprimée par les forces britanniques, qui envoyèrent plus de 20 000 soldats en Palestine mandataire pour étouffer le soulèvement. Parallèlement, les groupes paramilitaires sionistes gagnaient en effectifs et en force.

Fin 1937, les autorités mandataires proclamèrent la loi martiale en Palestine et interdirent le Haut Comité arabe.

Un bus palestinien est arrêté et fouillé afin d’y rechercher des armes sur la route entre Jérusalem et Jaffa, en 1938 (bibliothèque du Congrès des États-Unis)
Un bus palestinien est arrêté et fouillé afin d’y rechercher des armes sur la route entre Jérusalem et Jaffa, en 1938 (bibliothèque du Congrès des États-Unis)

La Commission Peel, une commission d’enquête britannique mise en place après le déclenchement de la grève palestinienne, appela officiellement pour la première fois à une partition de la Palestine en deux États en 1937. Les Palestiniens rejetèrent massivement ce plan dans la mesure où il prévoyait le transfert de davantage de terres et le déplacement forcé de quelque 225 000 Palestiniens, contre 1 250 juifs. Dans le même temps, les dirigeants sionistes étaient divisés, certains soutenant que toute la Palestine historique devait devenir l’État d’Israël.

Ce n’est qu’en 1939, alors que le Royaume-Uni était confronté au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, que la révolte prit fin avec la publication par Londres d’un livre blanc promettant une limitation de l’immigration juive en Palestine et la création d’un État palestinien indépendant dans un délai de dix ans.

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Certaines estimations font état de 5 000 morts, 15 000 à 20 000 blessés et 5 600 prisonniers dans le camp palestinien entre 1936 et 1939. Compte tenu de la taille de la population de l’époque, on estime qu’environ 10 % des hommes palestiniens furent tués, blessés ou emprisonnés au cours des trois années de révolte.

Mais alors que le délai de dix ans fixé par le livre blanc arrivait à échéance, l’État d’Israël fut établi et des centaines de milliers de Palestiniens furent déplacés au cours de la Nakba.

Bien que la révolte manquât la plupart de ses objectifs, elle créa un précédent pour la future résistance palestinienne. 

Des grèves avec divers degrés de mobilisation ont eu lieu au fil des décennies – notamment celle de la Journée de la Terre de 1976 menée par les citoyens palestiniens d’Israël. Et le mouvement de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) a mis en lumière la longue histoire des mouvements palestiniens de boycott, qui remonte au mandat britannique.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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