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Irak : un haut commandant d’un groupe pro-Iran tué dans une frappe américaine à Bagdad

Les États-Unis ont affirmé que le commandant du Kataib Hezbollah Abou Baqir al-Saadi était responsable d’avoir « directement planifié et participé à des attaques contre les forces américaines dans la région »
Des membres du groupe irakien Kataib Hezbollah portent le corps de leur camarade décédé Hassan Hammadi al-Amiri lors de ses funérailles à Bagdad, le 26 décembre 2023 (Ahmad al-Rubaye/AFP)
Par MEE

L’armée américaine a annoncé avoir tué mercredi soir à Bagdad un commandant de haut rang du Kataib Hezbollah, une milice soutenue par l’Iran en Irak, en représailles à une attaque de drone en Jordanie qui a tué trois soldats américains.

La frappe a tué au moins trois personnes, dont les hauts commandants du Kataib Hezbollah Abou Baqir al-Saadi et Arkan al-Alaywi. Des images vidéo du site de la frappe dans l’est de Bagdad montrent un SUV en proie aux flammes.

Le commandement central américain a indiqué avoir mené une « frappe unilatérale » en représailles à une attaque de drone la semaine dernière dans un avant-poste isolé du désert jordanien ayant coûté la vie à trois soldats américains.

Les États-Unis ont affirmé que le commandant du Kataib Hezbollah tué lors de l’attaque de mercredi était « responsable d’avoir directement planifié et participé à des attaques contre les forces américaines dans la région ».

L’attaque la semaine dernière contre la Tour 22, base américaine située dans une partie reculée du nord-est de la Jordanie, a provoqué une onde de choc à Washington, dans la mesure où elle a marqué la première annonce publique de la mort de soldats américains depuis le début des attaques contre les troupes américaines dans la région à la suite du déclenchement de la guerre à Gaza en octobre.

L’attaque est survenue juste au moment où les responsables américains estimaient que l’Iran cherchait à maîtriser ses proxies afin d’empêcher des attaques contre les forces américaines qui pourraient conduire au déclenchement d’une guerre plus large.

Vendredi, les États-Unis ont lancé des frappes sur 85 cibles en Syrie et en Irak qui, selon eux, étaient affiliées à l’Iran et à ses alliés. Mais la frappe de ce mercredi constitue la réponse la plus puissante à ce jour. Un ancien haut responsable américain de la défense avait précédemment déclaré à Middle East Eye que Washington envisageait des frappes contre de hauts commandants soutenus par l’Iran en Irak.

Qui était Abou Baqir al-Saadi ?

Abou Baqir al-Saadi était un haut responsable du Kataib Hezbollah, la plus puissante et la plus active des milices chiites soutenues par l’Iran en Irak.

Il a été l’ancien garde du corps du fondateur du groupe, Abou Mahdi al-Muhandis, lui-même assassiné lors de la frappe de drone américaine qui a tué le célèbre commandant iranien Qasem Soleimani en 2020, selon le Washington Institute for Near East Studies.

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Saadi a ensuite dirigé une cellule au sein de l’unité d’opérations spéciales d’élite du Kataib Hezbollah. Il a été responsable d’une frappe de drone aux Émirats arabes unis en 2021.

Depuis le début de la guerre à Gaza, il a travaillé directement avec le Corps des Gardiens de la révolution en Iran pour lancer des attaques contre les troupes américaines. Il entretenait des liens étroits avec de hauts responsables du Kataib Hezbollah, notamment le secrétaire général du groupe, Abou Hussein al-Hamadawi, selon Michael Knights du Washington Institute for Near East Studies.

Quant à Arkan al-Alaywi, qui aurait également été tué lors de la frappe de mercredi, il s’agissait d’un commandant des opérations de renseignement du Kataib Hezbollah.

Les relations entre Washington et Bagdad mises à l’épreuve

Cette frappe intervient alors que l’administration Biden peine à répondre aux actions des milices soutenues par l’Iran, lesquelles ont lancé plus de 150 attaques contre les forces américaines dans la région depuis le 7 octobre, date du début de la phase actuelle du conflit israélo-palestinien.

La frappe en Jordanie a été la plus meurtrière pour les troupes américaines depuis le début de la guerre à Gaza. Aller attaquer les troupes américaines en Jordanie, un allié clé de Washington qui a toujours évité d’être un champ de bataille direct entre l’Iran et les États-Unis, a été considéré comme une escalade majeure par les responsables américains actuels et anciens qui se sont entretenus avec Middle East Eye.

Peu de temps après que l’administration américaine a imputé la responsabilité de l’attaque à Kataib Hezbollah, le groupe a annoncé qu’il cesserait toute action militaire contre les forces américaines, affirmant qu’il avait pris cette mesure afin d’éviter d’« embarrasser » le gouvernement irakien.

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L’administration Biden a été réticente à l’idée de riposter trop durement contre l’Iran et ses alliés, de peur de provoquer une guerre régionale. Toutefois, selon des experts interrogés par Middle East Eye, jusqu’à présent, la réponse de Washington n’a pas réussi à dissuader les groupes.

La frappe de mercredi à Bagdad risque de compliquer davantage la diplomatie américaine visant à réduire les tensions dans la région. Elle survient en outre à un moment sensible dans les relations américano-irakiennes, alors que Washington est en train de négocier un retrait potentiel de la coalition qu’il dirige dans la lutte contre le groupe État islamique (EI) dans le pays.

Le Kataib Hezbollah et d’autres groupes soutenus par l’Iran qui font pression sur Bagdad pour qu’il expulse les forces américaines ont saisi l’occasion offerte par la guerre à Gaza pour intensifier leurs attaques, dans le but d’atteindre cet objectif.

Après la frappe menée par Washington mercredi, Bagdad a accusé la coalition internationale anti-EI emmenée par Washington d’être devenue un « facteur d’instabilité » en Irak.

« Cette voie pousse plus que jamais le gouvernement irakien à mettre fin à la mission de cette coalition, qui est devenue un facteur d’instabilité en Irak, et menace d’entraîner l’Irak dans un conflit [régional] », a déclaré le général Yehia Rasool, porte-parole militaire du Premier ministre Mohammed Chia al-Soudani.

Traduit de l’anglais (original).

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