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Guerre à Gaza : Israël prévoit un réseau de check-points pour empêcher les hommes de fuir Rafah

Israël met en place un « réseau complexe » de points de contrôle pour empêcher les hommes palestiniens « en âge militaire » de fuir l’assaut contre Rafah, a déclaré à MEE un haut responsable occidental
Des Palestiniens arrêtés et déshabillés par les forces israéliennes à Gaza avant d’être emmenés vers un lieu tenu secret (capture d’écran/X)

Israël met en place un système complexe de points de contrôle qui empêchera les hommes en « âge militaire » de fuir Rafah en prévision de son offensive sur la ville du sud de Gaza, a déclaré à Middle East Eye sous le couvert de l’anonymat un haut responsable occidental au fait des projets israéliens.

Ces check-points sont conçus pour permettre à certaines femmes et enfants de quitter Rafah avant l’offensive israélienne attendue sur la ville palestinienne frontalière avec l’Égypte mais pas les civils non armés de sexe masculin, qui seront probablement séparés de leurs familles et resteront piégés à Rafah pendant l’attaque.

Cette révélation inédite souligne à quel point Israël est décidé à poursuivre ses projets d’attaque de la ville, où plus d’un million de Palestiniens déplacés s’abritent dans des tentes et des camps de fortune.

La création de points de contrôle sexospécifiques autour de Rafah remettrait en lumière la pratique israélienne consistant à détenir de force des hommes et des adolescents palestiniens et à les obliger à se mettre en sous-vêtements, à un moment où sa conduite de la guerre est de plus en plus scrutée en Occident.

Les photographies de Palestiniens de Gaza détenus en sous-vêtements ont suscité des condamnations en décembre, les États-Unis notamment qualifiant ces images de « profondément troublantes ».

Les proches de nombreux hommes photographiés les ont reconnus et ont déclaré qu’ils n’avaient rien à voir avec le Hamas. L’armée israélienne a ensuite été accusée d’avoir mis en scène des images d’hommes rendant des armes.

« Israël considère tout homme comme un combattant du Hamas jusqu’à preuve du contraire », indique à Middle East Eye Abbas Dahouk, ancien conseiller militaire au département d’État et attaché militaire au Moyen-Orient.

« Ce n’est pas une bonne décision. Encercler Rafah est une tâche ardue, bonne chance pour séparer les pères et les fils de leurs familles. »

Des négociations de trêve serrées

Les préparatifs d’Israël en vue d’une attaque à Rafah surviennent au moment même où le pays mène des négociations de trêve serrées avec le Hamas.

Les États-Unis, l’ONU, les pays européens et les puissances arabes s’efforcent d’éviter une offensive sur Rafah, laquelle, selon les ONG et les diplomates, pourrait déclencher une catastrophe humanitaire et une potentielle crise des réfugiés.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a exhorté lundi le Hamas à accepter la dernière offre de trêve israélienne qu’il a qualifiée d’« extraordinairement, extraordinairement généreuse ».

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« En ce moment, la seule chose qui s’interpose entre la population de Gaza et un cessez-le-feu est le Hamas », a affirmé Blinken à Riyad lors du Forum économique mondial.

« Ils doivent prendre une décision – et [le faire] rapidement », a ajouté Blinken, faisant apparemment référence à la menace israélienne d’envahir Rafah.

À Riyad, Blinken a rencontré le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan et le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari Mohammed ben Abderrahmane al-Thani.

Le Qatar et la Turquie entretiennent des liens avec le Hamas, le premier accueillant la direction politique du groupe sur son sol à la demande de Washington, tandis que l’Égypte, qui borde Rafah et dont les services de sécurité s’entretiennent directement avec la branche armée du Hamas, les brigades al-Qassam, joue également un rôle de médiateur.

MEE a contacté la Maison-Blanche et l’ambassade israélienne à Washington pour obtenir des commentaires sur cette information, mais n’avait reçu aucune réponse au moment de la publication de cet article.

Reconnaissance par le feu

Israël a proposé une trêve de 40 jours au Hamas et le retour de milliers de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes en échange d’otages. Il a également revu à la baisse sa demande de libération d’au moins 40 otages détenus à Gaza, le nouveau chiffre étant fixé à 33.

Mais le Hamas a appelé à un cessez-le-feu permanent, au retrait des troupes israéliennes de Gaza et au retour dans leurs foyers des Palestiniens déplacés de force. Une pierre d’achoppement majeure dans les négociations a été la demande du Hamas de ne pas séparer les familles palestiniennes quand elles retournent chez elles.

Alors que les négociations de trêve s’éternisent, Israël a intensifié sa menace d’envahir Rafah, où, selon ses dires, quatre bataillons du Hamas seraient stationnés. Alors que la menace d’une attaque israélienne croît, le Hamas a également publié davantage de vidéos d’otages.

L’attaque potentielle d’Israël à Rafah est, à bien des égards, unique en matière de conduite de la guerre.

La ville frontalière transformée en camp de réfugiés tentaculaire est encerclée à gauche par la mer Méditerranée et à droite par Israël à proprement parler, deux espaces contrôlés par ce dernier. Les troupes égyptiennes sont massées le long de la frontière sud de Rafah, où Le Caire s’est engagé à empêcher un afflux de réfugiés. Les combattants du Hamas ont abandonné leurs uniformes et disparu dans un vaste réseau de tunnels, selon des experts militaires.

Des analystes israéliens ont auparavant déclaré à MEE que le cabinet de guerre israélien estimait ne pas pouvoir déclarer la victoire à Gaza sans attaquer Rafah, mais d’autres analystes affirment que l’assaut meurtrier ne parviendra probablement pas à sortir Israël du bourbier de Gaza.

« La conduite des opérations israéliennes du nord au sud a été motivée par la vengeance et non par le renseignement », commente Dahouk auprès de MEE. « Ils ne savent pas où se trouve l’ennemi. C’est une reconnaissance par le feu. »

Traduit de l’anglais (original).

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