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Guerre à Gaza : comment des combattants étrangers viennent en aide à Israël

Des milliers de personnes du monde entier ont rejoint la guerre israélienne contre les Palestiniens à Gaza
Des soldats israéliens marchent près de la frontière avec la bande de Gaza, dans le sud d’Israël, le 12 mars 2024 (AFP)

Les États-Unis ont récemment menacé d’imposer des sanctions à Netzah Yehuda, une unité de l’armée israélienne créée il y a environ 25 ans pour intégrer les hommes ultra-orthodoxes au sein de l’armée.

Même si la perspective de sanctions contre cette unité peut sembler être une évolution positive, d’aucuns craignent que cette décision vise à améliorer l’image globale de l’armée israélienne en tant que force respectueuse de la loi, pendant que Washington continue de fournir un soutien financier, militaire et de renseignement à la machine de guerre d’Israël.

Alors que la guerre contre Gaza se poursuit depuis plus de sept mois, les soldats israéliens ont inondé internet de photos et de vidéos d’eux-mêmes en train de cambrioler des maisons de Palestiniens, de porter la lingerie de femmes mortes ou déplacées, de circuler sur des vélos volés et de se vanter d’attaques contre des infrastructures civiles palestiniennes. Même le principal avocat de l’armée a conclu qu’ils avaient franchi un « seuil criminel ».

Depuis le début de la guerre en octobre dernier, les forces israéliennes ont tué plus de 35 000 Palestiniens, dont 72 % étaient des femmes et des enfants. Le meurtre délibéré et systématique de civils palestiniens par l’armée, ainsi que l’utilisation de la nourriture et de l’eau comme armes, ont peu de précédents dans le contexte de la guerre moderne.

Même après que la Cour internationale de Justice a ordonné à Israël de prévenir tout acte de génocide, les soldats ont continué comme si de rien n’était. Pourquoi ?

Lorsque l’armée israélienne a été créée, des organisations terroristes sionistes telles que la Haganah, le Palmach et l’Irgoun, entre autres, en constituaient l’épine dorsale. L’État d’Israël est né d’opérations terroristes à grande échelle menées par des groupes sionistes dans le but d’occuper les terres palestiniennes.

David Ben Gourion, qui deviendra le premier Premier ministre d’Israël, a résumé cette politique en quelques mots écrits en 1937 : « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place. »

« Une opération vraiment formidable »

D’après David Charters, professeur d’histoire militaire, le terrorisme sioniste dans la Palestine des années 1940 « était important sur les plans à la fois tactique et stratégique… [il] a créé les conditions qui ont facilité à la fois la fondation d’Israël et la création d’une diaspora arabo-palestinienne ».

Parmi les atrocités commises par les groupes sionistes contre le peuple palestinien, dans le but de provoquer des déplacements et l’accaparement de terres à grande échelle, figure le massacre de Deir Yassin.

Dans le documentaire Né à Deir Yassin (2017), Meir Pa’il, ancien membre de la Haganah, raconte comment les milices sionistes ont massacré des civils palestiniens, notamment des femmes et des enfants. Dans l’un des documents historiques révélés dans le documentaire, Yehuda Feder, membre du groupe paramilitaire Lehi, se vante fièrement d’avoir exécuté des filles à la mitrailleuse et d’avoir pillé leur village : « C’était une opération vraiment formidable, et c’est avec raison que la gauche nous vilipende encore. »

De tels programmes exposent les volontaires à un endoctrinement idéologique qui vise à renforcer les liens entre eux, Israël et son armée

Comme des dizaines de milliers de sionistes venus en Palestine en tant que réfugiés d’Europe et d’ailleurs, Feder était un juif de Pologne. Après le démantèlement du Lehi, il a rejoint l’armée israélienne et, de 1986 à 1994, a présidé la branche du Likoud à Jérusalem.

En avril 2001, il aurait reçu le prix « Citoyen remarquable de Jérusalem ». Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres de combattants terroristes étrangers qui ont créé l’armée israélienne et ont ensuite été récompensés pour leurs massacres.

La pratique de longue date consistant à absorber des combattants étrangers est toujours active aujourd’hui au sein de l’armée israélienne, qui compte notamment une importante composante américaine. Selon l’armée israélienne, plus de 23 000 citoyens américains servent actuellement dans ses rangs ; en fait, environ 10 % des soldats tués depuis l’invasion de Gaza seraient américains.

En décembre dernier, un député français a révélé que plus de 4 000 citoyens français avaient été intégrés au sein de l’armée israélienne pendant la guerre à Gaza. Il y aurait également jusqu’à 1 000 Australiens, 1 000 Italiens et 400 Indiens. La Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada, la Russie, l’Ukraine, la Finlande et l’Afrique du Sud, entre autres, constituent également une source de combattants étrangers pour Israël.

Endoctrinement idéologique

En outre, l’armée recrute des volontaires pour l’aider dans des tâches telles que l’emballage des fournitures médicales et la préparation des repas de combat ; des organisations comme Sar-El font venir des milliers de volontaires de dizaines de pays à travers le monde. L’âge minimum pour y participer en tant que bénévole est de 16 ans.

De tels programmes exposent les volontaires à un endoctrinement idéologique qui vise à renforcer les liens entre eux, Israël et son armée.

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Un autre programme visant à recruter des volontaires étrangers, Mahal, a été initialement fondé il y a plusieurs dizaines d’années lorsque des volontaires du monde entier sont venus aider la Haganah, puis l’armée israélienne. Un autre programme, Lone Soldiers, apporte un soutien aux combattants « très motivés » qui n’ont pas de famille en Israël. Ces soi-disant soldats solitaires, qui sont plus de 7 000, gagnent le double du salaire mensuel normal.

Mais la catégorie de recrues étrangères la plus controversée est celle des mercenaires embauchés par l’intermédiaire de sous-traitants. Selon certaines informations, des mercenaires combattent actuellement à Gaza ; des vidéos et des images suggèrent notamment que des mercenaires américains opèreraient aux côtés de l’armée israélienne.

Tout comme les soldats israéliens, toutes ces catégories de combattants étrangers jouissent d’une totale impunité, ce qui explique peut-être pourquoi certains se comportent de manière aussi cruelle et imprudente, se vantant de leurs crimes en ligne et publiant des preuves qu’ils violent diverses règles de la guerre.

En effet, malgré les protestations généralisées contre de telles activités, seule l’Afrique du Sud a exprimé une sérieuse volonté d’engager des poursuites pénales à leur encontre.

Tout comme les soldats israéliens, toutes ces catégories de combattants étrangers jouissent d’une totale impunité, ce qui explique peut-être pourquoi certains se comportent de manière aussi cruelle et imprudente

Pourtant, dans d’autres situations par le passé, des ressortissants de pays occidentaux qui étaient partis, par exemple, se battre contre le régime du président syrien Bachar al-Assad ont fait l’objet d’enquêtes et de sanctions, ont été traités comme des criminels et emprisonnés, même si leurs activités se limitaient à la collecte de fonds plutôt qu’à de véritables opérations de combat contre les forces d’Assad.

Au-delà du deux poids, deux mesures évident appliqué ici, l’impunité accordée aux combattants étrangers qui rejoignent l’armée israélienne aura de graves conséquences pour les civils palestiniens si ces combattants restent, ainsi que pour la sécurité intérieure de leur pays s’ils retournent chez eux.

La situation risque de motiver ces combattants étrangers à s’impliquer davantage dans des activités immorales, illégales et criminelles, comme participer à des opérations de combat qui entraînent la mort d’un plus grand nombre de civils, être stationnés dans des territoires occupés, vivre dans des colonies ou contribuer à la guerre génocidaire en cours contre le peuple palestinien.

- Ali Bakir est professeur assistant de recherche au Centre Ibn Khaldun pour les sciences humaines et sociales au Qatar. Il suit les tendances géopolitiques et sécuritaires au Moyen-Orient, la politique des grandes puissances, le comportement des petits États, les risques et menaces non conventionnels émergents, avec un accent particulier sur la politique étrangère et de défense de la Turquie, les relations turco-arabes et Turquie-Golfe. Il tweete @AliBakeer

- Mehmet Rakipoğlu est professeur adjoint à l’Université Mardin Artuklu en Turquie et chercheur au Dimensions for Strategic Studies Centre de Londres. Son travail se concentre sur la politique étrangère turque, les pays du Golfe et les mouvements islamiques.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original).

Ali Bakir is a research assistant professor at Ibn Khaldun Center for Humanities and Social Sciences. He is following geopolitical and security trends in the Middle East, great power politics, small states' behaviour, emerging unconventional risks and threats, with a special focus on Turkey’s foreign and defence policies, Turkey-Arab and Turkey-Gulf relations. He tweets @AliBakeer
Mehmet Rakipoglu is an assistant professor at Mardin Artuklu University and a researcher at the Dimensions for Strategic Studies Centre in London. His work focuses on Turkish foreign policy, Gulf countries, and Islamic movements.
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