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Cicatrices de guerre : les structures historiques endommagées par le conflit bosniaque

Alors que les tensions s’accentuent en Bosnie, MEE examine les séquelles de la guerre sur l’architecture historique ottomane, austro-hongroise et yougoslave
Photo prise en 1992 qui montre la Bibliothèque nationale de Sarajevo endommagée par les bombardements (Reuters)
Photo prise en 1992 qui montre la Bibliothèque nationale de Sarajevo endommagée par les bombardements (Reuters)

La Bosnie connait actuellement la pire crise politique depuis la fin des guerres yougoslaves dans les années 1990 : les Serbes de Bosnie ont bloqué la prise de décision dans les institutions nationales et entamé un processus de retrait des forces armées étatiques, du système fiscal et du système judiciaire.

Les conflits des années 1990 comportaient un aspect très ethnique et religieux, les musulmans bosniaques s’opposaient aux Serbes et Croates de Bosnie, forgeant des alliances avec ces derniers à divers moments de la guerre.

En 1995 a eu lieu le massacre de Srebrenica, au cours duquel 8 000 musulmans bosniaques, hommes et garçons, ont été tués par les Serbes bosniaques emmenés par le général Ratko Mladic. Ce massacre reste une source de profonde souffrance et des survivants ont confié à Middle East Eye en 2020 qu’ils devaient endurer un déni croissant du génocide localement.

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Aujourd’hui, la Bosnie-Herzégovine est un État constitué de deux entités : la République serbe de Bosnie (ou Republika Srpska) et la fédération de Bosnie-et-Herzégovine dans laquelle les musulmans bosniaques sont majoritaires.

Si les contrecoups de la guerre se font encore sentir dans la lutte pour un avenir pacifique, les cicatrices du conflit sont également présentes sur de nombreux bâtiments et sites historiques de toute la Bosnie.

Dans cet article, Middle East Eye présente les monuments emblématiques et notamment les mosquées qui ont été lourdement endommagés ou détruits – par les différentes forces – lors de la guerre.

À travers eux, on aperçoit l’histoire séculaire d’une région située à un carrefour du monde qui a connu une grande dévastation.

1. Mosquée Ferhadija, Banja Luka 

Présentant des ornements de l’architecture islamique populaire au XVIe siècle, la mosquée de la ville de Banja Luka est parfois surnommée mosquée de Fehrat-pacha.

Cette mosquée était considérée comme une prouesse architecturale et a été construite en 1579 sur l’ordre de Ferhat-Pacha Sokolović, un général et homme d’État ottoman de Bosnie.

Si on n’en connaît pas l’architecte, d’après les plans, il est probable qu’il s’agissait d’un étudiant du célèbre architecte ottoman du XVIe siècle Mimar Sinan (Sinan l’architecte). 

Inauguration de la mosquée reconstruite, en 2016 (AFP)
Inauguration de la mosquée reconstruite, en 2016 (AFP)

Parmi les détails remarquables de la mosquée figurent son architecture ottomane complexe, sa cour et une fontaine. Cette dernière dispose d’un bassin en pierre et de douze tuyaux.

La mosquée a été largement détruite par les milices serbes en mai 1993, son minaret a survécu à la première explosion avant de s’effondrer dans les attaques suivantes.

En 2001, un permis de construire a été délivré à la communauté musulmane de Banja, suscitant la polémique parmi les groupes nationalistes serbes. Certains ont attaqué à coup de pierres ceux qui assistaient à la cérémonie de pose de la première pierre.

Malgré les tentatives visant à empêcher l’érection d’une nouvelle mosquée sur le site, l’inauguration a eu lieu en mai 2017, encadrée par une lourde présence policière, et des dirigeants bosniaques y ont assisté ainsi que des dignitaires étrangers. 

2. Vieux pont, Mostar  

La ville de montagne de Mostar est réputée pour sa beauté, son histoire et son patrimoine architectural, fortement inspiré par Mimar Sinan. 

Parfois surnommé Stari Most, le vieux pont est une commande de Soliman le Magnifique en 1557 et a été conçu par un étudiant de Sinan, Mimar Hayruddin.

Cependant, Evliya Çelebi, explorateur ottoman du XVIIe siècle, attribue le monument à Sinan lui-même. 

Après la guerre, un pont suspendu temporaire a été érigé pour remplacer le pont de pierre original (Reuters)
Après la guerre, un pont suspendu temporaire a été érigé pour remplacer le pont de pierre original (Reuters)

Çelebi évoque des garçons qui sautent du pont, « volant tels des oiseaux », dans la Neretva en contrebas, une tradition qui perdure de nos jours.

« Dieu les préserve des blessures et ils escaladent immédiatement les berges », écrit-il.

Lors du règne ottoman (1482-1878), la ville était considérée comme un emplacement stratégique et ce pont, dont la construction a pris neuf ans, était un élément clé pour relier les deux parties de la ville. 

Ce pont a tenu bon pendant quatre siècles, avant d’être détruit en novembre 1993 par les bombardements des forces croates au point culminant de la guerre, provoquant son effondrement dans la Neretva. 

Les plongeons traditionnels décrits au XVIIe siècle se font encore à ce jour (Reuters)
Les plongeons traditionnels décrits au XVIIe siècle se font encore à ce jour (Reuters)

Le pont a été reconstruit en 2004, un effort financé par plusieurs pays dont l’Italie, les Pays-Bas, la Turquie et la Croatie, ainsi que la Banque de développement du Conseil de l’Europe. 

En 2005, ce pont a été ajouté à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, en raison de sa valeur symbolique et parce qu’il représente la réconciliation. 

Chaque été, des plongeurs affluent sur le pont pour participer à une compétition.

3. Mosquée de Gazi Husrev-bey, Sarajevo 

La mosquée de Gazi Husrev-bey, datant du XVIe siècle, a été conçue par l’architecte en chef d’Istanbul, Adzem Esir Ali.

Parmi les plus grandes mosquées du pays, elle est également remarquable pour ses motifs architecturaux ottomans chargés. 

Cette mosquée doit son nom au gouverneur bosniaque ottoman Gazi Husrev, qui a aidé l’Empire ottoman à sécuriser son emprise sur la Croatie et la Hongrie.

En 1898, sous le régime austro-hongrois, la mosquée est devenue la première au monde à être alimentée en électricité.

Photo de l’extérieur de la mosquée de Gazi Husrev-bey à Sarajevo (Wikimédia)
Photo de l’extérieur de la mosquée de Gazi Husrev-bey à Sarajevo (Wikimédia)

Le bâtiment était célèbre pour son dôme emblématique qui comporte des muqarnas (structures architecturales alvéolaires) élaborées et ses fenêtres qui donnaient l’impression d’être bien plus grandes qu’elles ne l’étaient en réalité. 

Lors du siège de Sarajevo (1992-1996), la mosquée a été gravement endommagée mais a été plus tard reconstruite grâce aux dons de pays étrangers. Le calligraphe bosniaque Hazim Numanagić a contribué à sa rénovation intérieure en 2001.

Aujourd’hui, ce lieu de culte est l’un des bâtiments les plus importants de la capitale bosniaque.

4. Vijećnica, Sarajevo 

En août 1992, les forces serbes positionnées dans les montagnes entourant Sarajevo ont pris pour cible la bibliothèque nationale et universitaire, la faisant disparaître dans les flammes. 

Le bâtiment qui abritait la bibliothèque, Vijećnica, comporte des arches de style islamique et est remarquable parce qu’il s’agissait d’un exemple d’incorporation des styles islamiques par des architectes européens.

Construit par l’architecte tchèque Karel Pařík à la fin du XIXsiècle pour devenir la mairie de Sarajevo, le bâtiment a été visité par l’archiduc François-Ferdinand et son épouse Sophie peu avant leur assassinat par un nationaliste serbe en 1914, événement déclencheur de la Première Guerre mondiale.

Le bâtiment a été transformé en bibliothèque en 1949.

L’institut disposait d’un million et demi de volumes et plus de 155 000 livres rares, archives et manuscrits. De nombreux manuscrits concernaient l’histoire des empires ottoman et austro-hongrois. 

Une image montre la bibliothèque totalement restaurée en 2014 ainsi que les dommages de la guerre (Reuters)
Une image montre la bibliothèque totalement restaurée en 2014 ainsi que les dommages de la guerre (Reuters)

L’attaque contre la bibliothèque a entraîné la disparition de 80 % de son contenu, y compris des documents originaux remontant à l’Empire ottoman.

Le bâtiment a rouvert en mai 2014 ; plus de la moitié du coût de la restauration a été financé par l’Union européenne. 

L’UNESCO a également participé à la restauration de la structure, lui permettant de redevenir un symbole de l’histoire de Bosnie.

La bibliothèque est aujourd’hui un lieu touristique incontournable et accueille la mairie et un musée.

5. Institut oriental, Sarajevo 

Fondé en 1950, l’institut académique faisait partie de l’université de Sarajevo et était connu pour ses programmes de langues et littératures arabes, turques et perses. 

L’Institut oriental était capital dans la recherche et la préservation de l’histoire ottomane de la Bosnie et derrière ses portes étaient rassemblés plus de 5 000 manuscrits, couvrant des sujets aussi divers que la théologie, l’astrologie et la philosophie. 

Traduction : « Le 17 mai 1992, l’armée de la République serbe de Bosnie a délibérément détruit l’Institut oriental à Sarajevo, faisant disparaître des milliers de documents liés à l’histoire des Bosniaques et de la Bosnie-et-Herzégovine. »

Lors du siège de Sarajevo en 1992, il a été dévasté par des bombes incendiaires, provoquant la perte de milliers de documents archivés. 

L’institut a été reconstruit avec un financement turc et rouvert aux chercheurs et étudiants, qu’il accueille dans deux salles de lecture.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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