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Algérie : l’armée appelle à destituer Bouteflika 

Le patron de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, a appelé à appliquer l’article 102 qui prévoit « l’empêchement » du chef de l’État pour raison médicale
Abdelaziz Bouteflika a été finalement lâché par le dernier de ses fidèles, Ahmed Gaïd Salah, patron de l'armée (Reuters)
Par Malek Bachir à Alger, Algérie

Présenté depuis le début de la crise comme l’homme qui allait arbitrer la question ultime – Abdelaziz Bouteflika doit-il partir ou rester ? – Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée algérienne, a tranché. Ce mardi, alors qu’il se trouvait en visite de travail dans la quatrième région militaire (sud), il a demandé à ce que soit engagée la procédure prévue par l’article 102 de la Constitution.   

« Il devient nécessaire, voire impératif d’adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l’État.Une solution à même d’aboutir à un consensus de l’ensemble des visions, et faire l’unanimité de toutes les parties, à savoir la solution stipulée par la Constitution, dans son article 102 », a-t-il déclaré.

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Discours du chef d'état-major ce mardi 26 mars

Que prévoit cet article ? Que lorsque le président « pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous les moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement ». 

Cet état d’empêchement est ensuite déclaré par les deux chambres du Parlement réunies à la majorité des deux tiers de ses membres et charge le président du Conseil de la nation (sénat) de l’intérim du chef de l’État pour une période maximale de 45 jours. Si au bout de 45 jours, l’état d’empêchement se poursuit, le président du Sénat poursuit son intérim pour une nouvelle période de 90 jours au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées. 

À moins qu’Abdelaziz Bouteflika, qui reste en tant que président, chef des armées, décide de démettre Ahmed Gaïd Salah de ses fonctions, la sortie du président semble inéluctable. « L’option de l’article 102 était sérieusement posée sur la table depuis plusieurs jours », précise à Middle East Eye un proche de Zéralda, la résidence du chef de l’État. « Mais il fallait parvenir à un consensus… » ajoute-t-il en faisant référence aux différents courants de la décision : le cercle présidentiel mais aussi l’armée et les courants de l’État profond qualifiés de « forces extraconstitutionnelles » par l’opposition et même des représentants officiels du pouvoir. 

Cet appel intervient alors que l’acte V de la mobilisation a de nouveau réuni vendredi 22 mars, malgré la pluie, des centaines de milliers d’Algériens dans tout le pays, montrant que la rue ne comptait pas relâcher la pression. 

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Il intervient aussi alors que le chef de l’État se trouve plus que jamais isolé, ses soutiens l’ayant quasiment tout abandonné. Au début du mois, les premières fissures étaient apparues avec la démission de figures importantes du Forum des chefs d’entreprise, principal syndicat patronal, depuis toujours acquis à la cause du président. 

La fitna avait ensuite gagné le FLN, parti du pouvoir, où jour après jour, les démissions se sont enchaînées, puis les organisation clés de la « légitimité révolutionnaire » : l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), qui regroupe les anciens combattants de la guerre d’indépendance, l’Organisation nationale des enfants de chouhadas (ONEC, enfants des martyrs) et surtout le MALG, l’ancêtre des services secrets algérien qui avait lui-même recruté Abdelaziz Bouteflika pendant la guerre. 

Signe que la situation était en train de changer de manière inédite, un vent de révolte s’est aussi levé dans les médias publics. Les chaînes publiques ENTV et Canal Algérie ont diffusé des images des manifestations et fait apparaître des slogans hostiles au pouvoir, comme « Pouvoir, dégage », inscrits sur de nombreuses pancartes et banderoles.

Cette semaine, deux autres fidèles parmi les fidèles, ont retourné leur veste : Abdelmadjid Sellini, bâtonnier de l’ordre des avocats d’Alger, pour qui les lettres attribuées au président Bouteflika sont « du faux et usage de faux », et Farouk Ksentini, ancien président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, qui a déclaré : « Les Algériens ont le droit de voir le document médical qui explique l’état de santé du président Bouteflika », suggérant même directement au Conseil constitutionnel de « prendre la mesure nécessaire pour résoudre la grave crise que traverse le pays. » À savoir l’article 102. 

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Plusieurs posts sur les réseaux sociaux dénoncent ce qui est qualifié comme une « ingérence » de l'armée

L’homme sur qui les projecteurs vont se braquer dans les prochains jours s’appelle Abdelkader Bensalah. À 76 ans, le second personnage de l’État : c’est lui qui « représente » le chef de l’État lors des visites officiels des présidents ou des personnalités étrangères. Ce fidèle du président Bouteflika, est, comme Ahmed Ouyahia, l’ex-Premier ministre, un fondateur du Rassemblement national démocratique (RND). Mais malade et très marqué par son allégeance à Abdelaziz Bouteflika, il pourrait, selon certaines sources, être rapidement écarté de la « transition » qui est en train de se préparer. 

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